Editorial de Roland Hélie
publié dans le n°10 (*) de la
revue Synthèse nationale
Automne 1989, c’était la chute du mur de Berlin et, par conséquent, la naissance de ce que l’on allait très
vite appeler « le Nouvel ordre mondial ». Notre planète, jusqu’alors divisée en deux blocs, se retrouvait du jour au lendemain sous
la férule d’une seule super-puissance : les Etats-Unis d’Amérique. Le système communiste, qui avait eu la prétention de libérer l’humanité (d’on ne sait pas très bien quoi…), s’était
écroulé comme un vulgaire château de cartes et, il faut bien le dire, personne ne le regrettait vraiment.
Ce Nouvel ordre mondial qu’imposèrent les Américains à la terre entière devait, lui aussi, procréer la liberté,
la paix, le bonheur et la démocratie. Mais, très vite, il fallut déchanter : l’arrogance des nouveaux maîtres de la planète engendra une nouvelle menace surgie du fond des temps, à savoir
l’islamisme radical. Celui-ci n’entendait pas ainsi laisser ses ouailles dériver tranquillement vers les délices de la société de consommation. Le carnage du 11 septembre 2001 vint
subitement rappeler aux Américains que leur volonté hégémonique n’était pas suffisante pour imposer au monde leur manière de vivre et de penser. Ce qui est peut-être vrai dans les quartiers
huppés de New York ne l’est pas forcément dans les caravansérails de Kaboul ou dans les souks de Bagdad.
Quant à notre chère vieille Europe, dans ce nouveau contexte international, elle se retrouvait reléguée au rang
de terre vassalisée où il ne fait pas bon de se rebeller. Les Serbes, pour ne citer qu’eux, en savent quelque chose. Il y eut bien quelques velléités de singularisme, comme le singulier
discours de Dominique de Villepin devant l’ONU au moment de la deuxième guerre du Golfe, mais cela resta fort courtois et ne dépassa jamais les limites imposées par la « politiquement
correct.
Un combat engagé depuis le début des années 90
Je me souviens du combat que nous avions engagé, au début des années 90, contre ce Nouvel ordre mondial. Nous
étions alors quelques-uns, regroupés autour de la revue Espace nouveau, à dénoncer cette perfidie qui consistait à faire croire que le monde devait être unipolaire et que les
pseudo-valeurs véhiculées par une Amérique pervertie devaient dorénavant régir la terre entière. Force est d’admettre que, dix-huit ans plus tard, les faits nous ont plutôt donné raison.
Partout où les Américains ont essayé de s’imposer, les résistances populaires s’organisèrent, les ressentiments se multiplièrent et les guerres s’enlisèrent à leurs dépens.
Aucun des conflits dans lesquels les va-t-en-guerre de Washington ont entraîné les nations européennes n’était
vraiment justifié. Qu’il s’agisse de l’Irak, avec ses prétendues armes de destruction massive, ou de l’Afghanistan, où, après le rocambolesque épisode de la fuite du Scheik Omar sur une
mobylette, l’on n’en finit pas de débusquer un hypothétique Ben Laden si bien caché qu’on en arrive à se demander s’il existe encore
vraiment.
La disparition tragique en Afghanistan, au cours de l’été, de dix de nos soldats a subitement rappelé aux
Français que leur pays, de par la couardise de ses dirigeants, s’était servilement laissé emporté dans ce conflit sans fin et dont le seul résultat palpable pour le moment semble être le
renforcement de l’influence des Talibans que l’on était censé éradiquer.
Décidément, ce « Nouvel ordre mondial » n’aura rien changé. L'insolence américaine aura réussi le
tour de force de perpétuer, en changeant certes les antagonistes, un clivage qui risque fort de s’avérer beaucoup plus dangereux que le précédent. A la division idéologique du monde des
« années guerre froide », s’est substituée une division civilisationnelle beaucoup plus grave car la victoire de l’un des deux rivaux serait irréversible. N’oublions jamais que si
l’on peut toujours reconstruire une nation, on ne ressuscite jamais une civilisation…
Ne plus demeurer à la remorque de l’Amérique
Non, la place de l’Europe dans ce contexte géopolitique n’est certainement pas de demeurer à la remorque d’une
Amérique qui, jusqu'à présent, l’a toujours considérée comme sa servante docile. L’Europe que nous voulons a une autre partition à jouer. Cela d’autant plus que l’on peut aujourd’hui se
demander si nous n’assistons pas aux premiers symptômes de la chute de ce Nouvel ordre mondial.
En quelques mois, les choses se sont en effet précipitées. Le retour fracassant de la Russie sur la scène
internationale remet en cause bien des schémas que certains, y compris dans les rangs de la droite de conviction, pensaient définitifs.
L’opération militaire menée au mois d‘août en Ossétie du Sud aura probablement marqué le début d’une
redistribution des cartes… Vladimir Poutine, en redonnant à son pays sa fierté et sa force, a sifflé la fin de la récréation. Les Etats-Unis d’Amérique ne sont plus les seuls à pouvoir
dicter au monde leur volonté. Il en est désormais ainsi et il faut en tenir compte. Qu’on le veuille ou non, la Russie nationaliste de Poutine d’aujourd’hui n’est plus l’Union
soviétique communiste d’hier.
Dans ce nouveau contexte international, l’Europe doit retrouver sa place. Aux tergiversations stériles des
nains de Bruxelles, doit succéder une véritable volonté de puissance et d’indépendance de notre continent. Complémentarité de nations qui ont chacune leur spécificité, l’Europe que nous
souhaitons est la seule qui soit capable de donner à ses peuples leur fierté, leur liberté et leur prospérité. Cette puissance que nous souhaitons retrouver passe par une redéfinition de
nos relations avec la Russie, seule capable à moyen et long termes de nous garantir notre indépendance énergétique.
La lutte contre l’islamisation, fruit d’une immigration incontrôlée, sera le ciment de notre renouveau
civilisationnel. Nous ne gagnerons pas ce combat en nous référant aux chimères mercantiles des financiers de Wall Street ou en opposant à l’Islam une nouvelle théologie des droits de
l’homme. Nous gagnerons en exaltant nos valeurs européennes, en entamant la nécessaire reconquête de notre continent et en redonnant à chacun des nôtres la confiance dans son avenir
propre.
Il ne s’agit plus de s’interroger si l’on préfère manger un hamburger à Manhattan ou de porter une chapka en
Sibérie, il faut affirmer haut et fort notre volonté inébranlable d’être ce que nous sommes, à savoir la grande civilisation qui resplendira à nouveau sur le monde. Oui, soyons fiers d’être
Bretons, Normands ou Alsaciens. Oui, soyons fiers d’être Français, Italiens ou Allemands. Oui, soyons fiers d’être Européens !
(*) Synthèse nationale n°10, septembre-octobre 2008, 12,00 €, à
:
Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012
Paris